Interview : abattage rituel sans étourdissement, l’avis du Dr. Abdel Majid KATME
Les consommateurs musulmans découvrent avec stupéfaction l’existence de différentes méthodes d’étourdissement utilisées par certains certificateurs Halal (Enquête d’ASIDCOM en cours de réalisation). On constate que les débats sur l’abattage rituel, à huit clos ou public, sont de plus en plus fréquents en France (enquête du journal "le soir d’Algérie", révision de la directive européenne, programme DIALREL, norme NF Halal Afnor, Grenelle de l’animal...).
Alors que nous craignons la remise en cause de la dérogation accordée par la directive 93/119/CE autorisant les musulmans et les juifs à pratiquer le sacrifice rituel ("Zabiha" et "Shehita") sans étourdissement, l’association ASIDCOM a souhaité interviewer le Docteur Abdel Majid KATME, psychiatre et porte parole de l’association des médecins musulmans et des questions concernant la "viande et les aliments halal " pour le conseil musulman de Grande-Bretagne, sur :
le contexte de l’abattage rituel en Grande Bretagne
le rapport de EFSA sur les aspects de bientraitance des animaux étourdis et les méthodes d’abattage (EFSA/AESA : Autorité Européenne de Sécurité des Aliments créée par le Réglement 178/2002/CE)
l’utilité de l’étourdissement appliqué après la saignée (électronarcose post-mortem)
ASIDCOM : Bismillah Rrahmanî Rrahîm, Sallam alikoum. Quel est votre regard sur l’abattage des animaux ?
Dr Abdel Majid KATME : IL y a environ 36 ans, je suis entré dans l’association musulmane des médecins de Grande Bretagne IMA/UK. A ce moment là, son président était Dr Ghulam Mustafa Khan,("qu’Allah le bénisse"), qui a écrit un livre sur le Dhabh/Zabiha ("la saignée directe") intitulé : AL-DHABH le sacrifice des animaux selon la méthode Islamique. Ce livre était unique et il contient des arguments scientifiques intéressants contre l’utilisation de l’étourdissement avant le DHABH ("la saignée directe"). Ce livre prouve la supériorité de la méthode prophétique de DHABH (directement et sans aucun étourdissement). Ceci a ouvert mes yeux sur cette question importante dans l’Islam tandis que beaucoup de musulmans n’en étaient pas conscient et ils faisaient leur DHABIHA avec l’étourdissement comme les non musulmans. Toutefois, je suis devenu plus impliqué dans la question de l’abattage des animaux suite à ma désignation par la mosquée principale de ‘"Regent Park" à Londres, pour présenter au nom des musulmans en Grande Bretagne, une communication dans le cadre d’une conférence scientifique sur l’abattage des animaux, pour un grand public non musulman à Londres en 1986. J’ai cherché un grand nombre d’études et d’articles médicaux et écrits par des non musulmans, sur les effets de l’étourdissement sur l’animal et le consommateur. Un autre conférencier juif a présenté une conférence et il s’est opposé à l’étourdissement. Ensuite, je suis devenu plus intéressé et plus impliqué dans ce qui concerne la méthode Prophétique de DHABH, en intervenant dans des mosquées, en conférences, sur la radio, à la Télévision et en "éduquant aussi les imams ". Je suis devenu le porte parole sur la viande et les aliments Halal, du conseil musulman de Grande-Bretagne, de l’association des médecins musulmans et plusieurs autres organisations.
ASIDCOM : Que pensez vous du statut de l’animal dans le monde aujourd’hui ? et que dit l’islam à propos du bien être de l’animal ?
Dr Abdel Majid KATME : Malheureusement le statut de l’animal dans le monde est très mauvais de nos jours, barbare, cruel et injuste. C’est pour cette raison, que nous avons aujourd’hui un grand nombre d’organisations de bien être animal afin de remédier à cette sérieuse question : Des fermes industrielles, des cages en batteries, l’étourdissement lors de l’abattage et des épidémies d’abus et de tortures des animaux même en public et à domicile ! A ma surprise j’ai découvert plusieurs versets ("Ayats" du Coran) et paroles ("Hadiths") du prophète Mohammed (Paix et Bénédiction sur Lui) qui sont un grand guide sur le bien être animal pour toute l’humanité dans ce monde. Le bien être animal est pris en considération même au moment du sacrifice, comme par exemple : offrir à manger et à boire à l’animal avant de faire le sacrifice, éviter d’affûter son couteau sous le regard de l’animal, l’acte d’abattage et même le sang (qui sont une bienfaisance physiologique). Malheureusement la plupart des musulmans ne sont pas conscients de ces aspects de bien être animal proscris par l’islam. Ils ne montrent pas l’exemple aux non musulmans pendant que les gens en Occident considèrent notre sacrifice rituel ("Zabiha") de cruauté envers les animaux. On a vraiment besoin, aujourd’hui, d’établir ces organisations nécessaires dans chaque pays : LA SOCIETE ISLAMIQUE POUR LE SOIN ET LE BIEN ETRE ANIMAL Et de faire notre devoir en tant que musulman pour sauver nos animaux innocents de toute souffrance ou abus. Je vous invite à consulter mon article sur les droits des animaux en Islam.
ASIDCOM : D’après vos connaissances y a t il une preuve scientifique pour une non considération du bien être de l’animal dans l’abattage rituel ?
Dr Abdel Majid KATME : Durant les 33 dernières années, nous avons cherché à voir l’existence d’une recherche ou une étude ou même une seule étude médicale ou scientifique qui prouve que notre méthode d’abattage religieuse/prophétique est contre le bien être animal ou cause la douleur ou cruelle pour l’animal.. Mais nous n’avons pas pu en trouver une. Nous avons lancé un défi publiquement et nous avons demandé des évidences, nous en tant que musulmans croyons qu’il n’en en aura aucune. Mais parfois certains “Musulmans” sont primitifs et non instruits et font, alors, leur sacrifice rituel (" Zabiha") sans aucun respect pour les préceptes du bien être animal dans l’Islam.
ASIDCOM : A la lecture du rapport de l’AESA (page 23), nous trouvons des synthèses scientifiques qui démontrent que l’animal, notamment les bovins souffrent considérablement suite à la coupe. Quand pensez vous ?
Dr Abdel Majid KATME : Sans doute les bovins ainsi que d’autres animaux sont victimes d’abus et de cruauté avant et pendant l’abattage, surtout par le système de pistolet d’abattage (captive bolt : étourdissement), qui a été interdit, depuis quelques années, dans plusieurs états de l’Union Européenne pour éviter le risque de la vache folle (BSE) .
ASIDCOM : Dans ce même rapport de l’AESA (page 21), on parle de la libération des Opioïdes endogènes [1] qui agissent comme un analgésique, lors d’une blessure importante chez l’homme (40 % des cas) alors qu’il est impliqué dans une activité très vigoureuse. Ce genre de phénomène existe t -il chez l’animal et pouvons nous utiliser l’homme comme référence pour comprendre ce qui se passe dans le corps de l’animal de point de vue de " la douleur " ?
Dr Abdel Majid KATME : Il est très difficile de définir et de prouver la question de la “DOULEUR” [2] chez l’animal suite à la coupe. Cependant, il y a des études basées sur les mesures de l’EEG (électroencéphalogramme) au niveau du cerveau, chez des animaux étourdis et d’autres non, qui concluent que les animaux étourdis ressentent la douleur quand ils sont étourdis au préalable. Il s’agit là du bon sens, aucun d’entre nous ne peut mettre directement sa main sur une source d’électricité car c’est douloureux… alors que l’étourdissement par l’électricité est, malheureusement, utilisé régulièrement, aujourd’hui, sur presque tous les animaux qui souffrent. Nous croyons, aussi, que c’est cruel pour ces animaux qui sont incapables de parler ou de s’exprimer ou de se plaindre. C’est vrai qu’il y a des nouvelles études qui nous parlent à propos de la libération des analgésiques/endorphines [3] internes au moment du sacrifice ("Zabiha").
ASIDCOM : Toujours dans le rapport de l’AESA (page 22), on peut lire « Tandis que le bien-être pourrait normalement être évalué en utilisant des réponses de cortex surrénales [4], Ceux-ci ne peuvent pas être appliquer sur des animaux dont la gorge a été coupée, parce qu’ACTH [5] n’a pas pu atteindre les glandes surrénales via le sang. En tout cas, les réponses glucocorticoïdes [6] prennent plus de 2 minutes pour être évident. De là le manque d’une augmentation du sang cortisol annoncé dans quelques études (Tume et Shaw, 1992) n’est pas surprenant. (Le rapport d’EFSA) ». Que pensez-vous de cette explication et pensez vous vraiment que l’animal ne bouge pas juste après la coupe à cause de la peur ou du choc hémorragique ?
Dr Abdel Majid KATME : C’est un fait observé bien connu : quand la coupe est faite correctement, sans étourdissement, l’animal reste calme, et ne bouge pas pendant un moment… Alors que si la coupe cause la douleur, l’animal montre, instantanément, des mouvements de détresse et d’inconfort. Cependant les convulsions [7] et les contractions physiologiques naturelles et indolores commencent plus tard. Comme le cerveau n’a plus de sang et est entrain de “mourir et de demander” un approvisionnement en sang… mais c’est trop tard puisque le sang pompé à partir des bras et des pattes sort à travers la coupe avant d’atteindre le cerveau !
ASIDCOM : Quel est le contexte en Angleterre concernant l’abattage rituel et l’étourdissement obligatoire ?
Dr Abdel Majid KATME : Al hamdulillah ! ("Gloire à Dieu !"), la loi de 1995 en Bretagne autorise les musulmans et les Juifs à effectuer leur abattage rituel sans l’utilisation d’aucun étourdissement. Nous avons une dérogation par rapport à l’étourdissement. Cette loi existe depuis longtemps en Grande-Bretagne et il y a eu deux tentatives pour interdire l’abattage rituel durant les 22 dernières années. Mais les contestations des musulmans et des Juifs ont réussies à conserver nos droits.
ASIDCOM : Que pensez vous de l’électronarcose post-mortem appliquée dans le cas de l’abattage rituel ?
Dr Abdel Majid KATME : Les Musulmans doivent suivre le Prophète Mohammad (Paix et Bénédiction sur Lui), en effectuant une saignée directe ("Zabiha ") sans changer ou interférer son process et sans l’utilisation d’aucun étourdissement. Nous croyons que c’est la seule méthode HUMAINE qui a été pratiqué au par avant par tous les prophètes (Paix sur Eux) : Ibrahim, Moïse et Jésus.... De plus : les Musulmans ont été mis en garde par une parole ("Hadith") du Prophète Mohammad (Paix et Bénédiction sur Lui) qui a dit clairement qu”Il va combattre les musulmans qui ne font pas la Zabiha (saignée directe") comme il le faisait … "
Quelle est la raison pour faire l’étourdissement après la coupe ? On ne peut en trouver aucune ? Il n y a pas d’évidence qu’il emporte n’importe quelle “douleur”.... en effet après la coupe correcte et le choc hémorragique… l’animal a perdu le sang du cerveau, ce qui enlève toute sensation dès le début. Nous croyons, aussi, que l’étourdissement, lorsqu’il est appliqué après la coupe va interférer avec la possibilité d’un drainage maximal du sang vers l’extérieur du corps de l’animal, en affaiblissant et ‘figeant’ les convulsions et contractions naturelles importantes et nécessaire. Sans doute, nous avons besoin, aujourd’hui de nouvelles recherches médicales afin de déterminer l’effet de l’étourdissement post mortem sur l’animal et le drainage du sang.
ASIDCOM : Cher frère Abdel Majid, nous vous remercions de votre contribution à l’attention des consommateurs musulmans et du public francophone. Sallam alikoum wa ramatoullah wa barakatouh.
Pour appronfondir, vous pouvez consulter la conférence du docteur KATME lors du symposium UFACW.
Dr.Abdel Majid ELKATME (MBBCh,DPM), Muslim medical researcher and Spokesman on halal meat and food of Muslim Council of Britain (MCB) and on the Islamic Medical Tel : 0044 7944 240 622 - Email : [email protected]
Interview réalisée pour ASIDCOM par H. REZGUI, mai 2008, Joumada I 1429 H.
[1] peptides qui jouent le rôle de médiateurs
[2] sensation ressentie par un organisme dont le système nerveux détecte un stimulus nocieceptif (perception de stimulis produit par la douleur)
[3] effet de prévention ou de diminution de la douleur
[4] deux glandes triangulaires situées au-dessus des reins et responsables de la gestion du stress.
[5] hormone corticotrophe ou Adréno Cortico Tropic Hormone, polypeptide de 39 acides aminés.
[6] ont une action sur le métabolisme protidique et glucidique.
[7] contraction d’un ou plusieurs muscles. cortisol : hormone sécrétée par le cortex (écorce) de la glande surrénale à partir du cholestérol. Dénommée "l’hormone du stress".